domingo, 29 de outubro de 2017

Etienne Jeaurat - Le Carnaval des rues de Paris (1757)


Le dynamisme de la composition - l'ellipse formée par le regroupement des personnages, vus de trois quarts ou de profil - crée l'impression d'un déroulement, d'un mouvement continu. Le cadre de cette scène de rue est fantaisiste. Il montre cependant que les jeux du carnaval, cantonnés à l'origine aux portes de la ville, ont envahi progressivement l'espace urbain. Le XVIIIe siècle vit encore au rythme des fêtes saisonnières, religieuses, royales… La peinture des disciples de Watteau (Lancret, Pater) perpétue le souvenir des fêtes aristocratiques et galantes dans les parcs. Parures élégantes, grâce des attitudes sont autant d'armes pour séduire et être distingué. La fête populaire vise au contraire à abolir toute distinction, à faire naître une conscience et une sympathie collectives, s'il faut en croire Rousseau.
La réalité ordinaire du peuple parisien est celle de l'entassement (une pièce par famille). L'isolement, même pour les gestes les plus intimes, n'existe pas. La rue boueuse et malodorante envahie par les échoppes et les ateliers, l'immeuble surpeuplé sont autant de scènes publiques. Rien ne peut s'y vivre secrètement. Disputes conjugales, amours clandestines… Tout se sait et les commentaires font et défont les réputations.
Étienne Jeaurat (1699-1789) est l'un des rares peintres du XVIIIe à représenter le Paris populaire où vie privée et vie publique sont (presque) confondues. Peint en 1751, Le Carnaval met en scène le "désordre réglé" des fêtes qui débutent le jour des Rois et s'achèvent le mercredi des Cendres. Mascarades, déguisements burlesques et chansons ordurières sont aussi l'occasion de dénoncer dans chaque quartier les écarts de comportement : filles trop libres, maris trompés ou femmes autoritaires.
Cette farandole où l'on devine au centre un mannequin de carnaval, condamne, sur le mode grotesque, la confusion des rôles. Au milieu des cris des enfants, sous le regard hilare de la foule, une femme fait danser un jeune homme. Elle fume la pipe et joue du tambour, deux accessoires dérobés au monde masculin. Quant à lui, revêtu d'un tablier et d'une coiffe féminine, il jongle avec des instruments de cuisine.
Au second plan, deux jeunes femmes entraînent en pèlerinage galant un homme en jupe rouge. Un peu à l'écart, un groupe de femmes observe le spectacle avec un mélange de crainte et d'attirance. Aucune n'aperçoit le gamin qui s'apprête à leur lancer du sable ? de la farine ? un œuf ? projectiles traditionnels du carnaval.

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